- Introduction
- La Décennie 1920
- La Décennie 1930
- La Décennie 1940
- La Décennie 1950
- La Décennie 1960
- La Décennie 1970
- La Décennie 1980
- La Décennie 1990
- La Décennie 2000... et le futur
Nous sommes à la fin des années 1910. Le football universitaire est roi, et les étudiants se battent entre eux pour la gloire de leur faculté. La popularité du sport pousse certains clubs indépendants à monter leur propre équipe et à se battre contre d'autres clubs indépendants. C'est de là qu'est venue une première quelques années plutôt.
Le 13 Novembre 1892, l'Allegheny Athletic Association affronte le Pittsburgh Athletic Club au Pittsburgh Recreation Park. Cette rencontre a une particularité : le Guard d'Allegheny, William "Pudge" Heffelfinger (photo), ancien Guard de Yale, a reçu 500$ + 25$ pour ses dépenses afin de jouer la partie. Il marque les seuls points du match, et Allegheny l'emporte 4-0.
En Illinois, un jeune employé de la société A.E. Staley, George Halas (photo), souhaite monter une équipe de football, les Decatur Staleys. Son employeur accepte, et Halas se demande de suite comment rencontrer d'autres équipes. Il décide alors d'écrire à Ralph Hay, le manager de l'équipe des Canton Bulldogs, en lui demandant si cela l'intéresserait de monter une ligue. Hay apprécie la suggestion, et il prend les devants.
Le 17 Septembre, une réunion un peu plus formelle a lieu, toujours à Canton, et aux 4 équipes ci-dessus viennent se joindre les Decatur Staleys de Halas, les Hammond Pros, les Massillon Tigers, les Muncie Flyers, les Racine Cardinals, les Rochester Jeffersons et les Rock Island Independants. Le nom de la ligue est rapidement changé en American Professional Football Association (APFA) et c'est le joueur vedette Jim Thorpe, ancien médaillé d'or du décathlon / pentathlon aux JO de 1912 et membre des Bulldogs, qui est nommé président.
Ralph Hay & Jim Thorpe |
Carr créé plusieurs règles, dont celle qui interdit aux joueurs d'intégrer plusieurs équipes. Sauf que cette règle contient le terme exact de "association team" et non de "football team", ce qui signifie que les joueurs peuvent toujours intégrer une équipe de l'APFA et X équipes hors APFA. Arda Bowser, un membre des Canton Bulldogs, explique par exemple comment il a pu jouer 4 matchs en 4 jours sous 3 noms différents. 4*60 minutes en un grand week-end, car il jouait en attaque et en défense !
Tout cela démontre que les démarrages de l'APFA sont poussifs, et la popularité du football professionnel a du mal à décoller : le football universitaire est toujours très puissant, et les pros passent pour des mercenaires pratiquant un jeu de barbare. Les instances décident alors d'apporter plusieurs changements, et notamment... dans le nom de la ligue.
Harold "Red" Grange, nommé ainsi à cause de sa rousseur, est un athlète phénoménal. Il a attiré les foules quand il jouait pour l'Université de l'Illinois, jusqu'à 90000 pour son dernier match; il en est de même quand il est signé par les Chicago Bears le lendemain et que le même jour il s'assoit sur le banc pour voir Chicago battre Green Bay devant 36000 personnes. Le "Galloping Ghost" est une véritable attraction, et à la fin de la saison, réalisant le potentiel qu'il a, les Bears font carrément un "tour" du pays pour exhiber leur nouveau joueur... et indirectement tenter de populariser le football professionnel.
Red Grange est un véritable succès pour les Bears, à un tel point que son agent, Charles "C.C." Pyle (photo), pose un ultimatum à Halas et à son partenaire de toujours dans le club, Ed Sternaman : Grange ne jouera pour les Bears en 1926 que s'ils lui cèdent le tiers du club. Vous pouvez deviner la réponse des deux compères : "va voir ailleurs si on y est". Pyle et Grange s'exécutent, quittent le club et décident de monter leur propre franchise à New York, là où les médias sont rois. Pyle demande à jouer dans le Yankee Stadium mais il y a un problème : les New York Giants, arrivés en 1926 dans la NFL, refusent de partager le stade. Exaspéré, Pyle décide d'aller monter sa propre ligue concurrente.
Les années 1930 commencent par la domination des Green Bay Packers. La franchise du Wisconsin, véritable OVNI par le fait que ce sont les habitants de la ville qui possède le club, est devenue une franchise respectée après avoir plusieurs fois manqué de disparaître. Les Packers remportent trois titres de suite (1929, 1930, 1931) avec une pléthore de joueurs excellents. Mais leurs rivaux Bears ne sont pas en reste en signant le fullback Bronko Nagurski (photo), véritable tank sur deux jambes. La ligue est définitivement tournée vers le jeu de course en force, et Nagurski excelle dans cet art. Au niveau des franchises de la NFL, les Duluth Eskimos ont disparu et les Portsmouth Spartans sont acceptés en 1930.
Le Chicago Stadium pendant la finale de 1932. Notez les balustrades toutes proches des touches. |
- Eastern Division : les Giants, Brooklyn, Boston et deux nouvelles équipes, les Philadelphia Eagles (possédés par Bert Bell) et les Pittsburgh Pirates (possédés par Art Rooney);
- Western Division : les Chicago Bears & Cardinals, Green Bay, Portsmouth et une autre nouvelle équipe, les Cincinnati Reds.
Du Football pour les Lions & Thanksgiving, une tradition de Detroit depuis 1934. |
Pour ne pas être en reste, c'est au tour des Green Bay Packers d'innover. En 1935, la franchise du Wisconsin signe un rookie de l'Alabama, Don Hutson (photo). Si la passe vers l'avant était encore un moyen rarement utilisé d'avancer, Lambeau et Hutson vont prouver qu'elle peut devenir une arme mortelle. Avec ses mouvements jamais vus et sa vitesse incroyable, Hutson va régner sur la NFL et transformer la passe (et la réception) en art. A la fin de sa carrière en 1945, il aura été 8 fois meilleur receveur et il sera devenu le premier à dépasser 1000 yards en réception en saison (1942). Si aujourd'hui on connaît l'arbre des routes du receveur, son origine provient de Lambeau et d'Hutson.
- L'équipe des Cleveland Rams de cette AFL 2.0 survit et rejoint la NFL;
- Une équipe à Los Angeles introduit la côte ouest au football professionnel;
- La réussite pendant un temps des Boston Shamrocks pousse Marshall à déménager les Boston Redskins à Washington.
"Slingin'" Sammy Baugh |
Sauf que l'Histoire va rattraper la ligue comme elle va rattraper le monde entier.
En 1940, une précédente victoire des Redskins sur les Bears provoque les quolibets de Marshall envers la franchise de Chicago. Halas s'en sert comme d'une motivation et en finale de la NFL, les Bears et leur nouvelle T-formation écrasent les Redskins 73-0, le plus large succès de l'histoire. En parallèle, une AFL 3.0 se monte et tente de concurrencer de nouveau la NFL, mais celle-ci est plus solide financièrement car elle se base sur l'American Professional Football Association (APFA), une ligue mineure de football professionelle qui existe depuis 1935 (et c'est une totale coïncidence que l'APFA soit le nom d'origine de la NFL !). Cependant cette AFL 3.0 s'effondre au bout d'un an à cause de l'entrée en guerre des Etats-Unis.
L'Histoire s'invite dans l'histoire du football : à la suite de Pearl Harbor, plus de 600 joueurs, coachs et officiels participent à la guerre, et 21 y meurent, dont 12 joueurs actifs. Le recrutement massif des universitaires et le manque de fonds provoque la fin de l'AFL 3.0 et coupe les jambes de la NFL qui avait pourtant enfin trouvé une certaine stabilité et une relative légitimité.
Le roster de Card-Pitt en 1944 |
Enfin, la NFL voit surtout le bout du tunnel avec l'armistice de la Seconde Guerre, et en 1945, même si la ligue a perdu en qualité et en audience, elle n'a pas perdu en potentiel. Layden doit refuser tout un tas d'offres de création d'équipe, et c'est cela qui va mener à une nouvelle rebellion... et vous l'avez deviné, une nouvelle ligue concurrente.
Sauf que cette fois, elle ne va pas s'appeler l'AFL. Et elle va durer, en concurrençant vraiment la NFL.
Suite aux différents refus de Layden d'intégrer de nouvelles équipes en NFL, le rédacteur des sports du Chicago-Tribune, Arch Ward, monte le 4 Juin 1944 une réunion avec des représentants de Buffalo, Chicago, Cleveland, Los Angeles, New York et San Francisco. Tout ce beau monde se met vite d'accord sur la fondation d'une nouvelle ligue de football professionnel : l'All-America Football Conference (AAFC). Layden refuse une dernière fois d'intégrer certaines franchises de la future AAFC, et il dédaigne même l'entreprise en faisant cette déclaration célèbre : "Qu'ils commencent par trouver un ballon, puis un calendrier, et enfin qu'ils jouent un match". C'est le début des hostilités.
En 1946, l'AAFC naît officiellement avec les Buffalo Bisons, les Brooklyn Dodgers (différent des anciens Dodgers de la NFL qui se sont renommés les Tigers), les Los Angeles Dons, les Miami Seahawks, les New York Yankees (différent de ceux de Pyle), les Chicago Rockets, les San Francisco 49ers et une nouvelle équipe basée à Cleveland... les Browns, nommés en l'honneur de leur coach, Paul Brown. L'équipe de Miami tourne au fiasco financier et se fait remplacer par les Baltimore Colts en 1947.
En NFL, Layden démissionne comme commissaire et Bert Bell le remplace. Après avoir gagné leur premier titre dans l'indifférence la plus complète, les Rams partent à Los Angeles. C'est là-bas qu'un joueur des Rams, Fred Gerkhe, a l'idée en 1948 de peindre des cornes sur son casque : c'est le logo qu'on retrouve sur le casque des Rams d'aujourd'hui (et surtout le tout premier logo à apparaître sur un casque).
Oui, j'ai bien dit que les Rams ont gagné leur titre "dans l'indifférence la plus complète". Car à la fin des années 1940, pendant que Steve Van Buren galope à travers le pays pour aider Philadelphia à gagner ses deux premiers titres, qu'un rookie du nom de George Blanda joint les Bears derrière un Luckman toujours dominateur, que les New Yorks Yanks deviennent les Bulldogs puis redeviennent les Yanks, que les Packers tentent de survivre après la guerre, et qu'on voit l'arrivée d'un 5e arbitre, le Back Judge, l'AAFC est littéralement écrasée par les Browns de Cleveland, et la qualité de leur jeu pousse les Rams à déménager !
Otto Graham & Paul Brown |
Cela finit d'ailleurs par devenir un véritable problème : les Browns dominent beaucoup trop cette nouvelle ligue où ils rencontrent peu d'opposition. Cela provoque une désertion du public qui entraîne une perte d'argent. De plus, la guerre financière entre la NFL et l'AAFC est allée crescendo et la situation n'est plus vraiment tenable, même pour la NFL qui reste fragile à cause de la guerre.
Fin 1949, Bert Bell, qui a toujours dénigré l'AAFC, convient qu'il est temps de fusionner les deux ligues. C'est ainsi que l'AAFC, la ligue concurrente la plus aboutie à ce jour, disparaît, non sans léguer à la NFL trois de ses équipes : les Baltimore Colts, les San Francisco 49ers et les Cleveland Browns. Les Browns partent dans l'Eastern (avec les New York Giants, Pittsburgh, Philadelphia, les Chicago Cardinals et Washington) alors que les 49ers et les Colts partent dans la Western (avec Green Bay, les Chicago Bears, Los Angeles, les New York Yanks et Detroit). Les joueurs des équipes restantes sont intégrés à la draft de 1950.
Les années 1950 vont donc de nouveau s'ouvrir sur une NFL seule, qui a survécu à la guerre, et qui maintenant veut rentrer pour de bon dans le coeur des américains. Elle va définitivement réussir, mais pas avant la fin de la décennie.
Tout d'abord, les casques en plastique remplacent les casques en cuir pour assurer une meilleure protection. Ensuite, une règle de 1950 transforme le visage du football : les substitutions illimitées sont instaurées, ce qui va provoquer petit à petit la disparition des "60-minute men", ces hommes qui jouaient en attaque ET en défense. Cela permet de multiplier les talents dans une même équipe, et ça tombe bien car à la sortie de la guerre, le pays veut du sport, et du sport solide, sérieux, et divertissant. Avec l'absorption de l'AAFC, la NFL propose un football qui s'approche de ces idéaux. Et les anciens pensionnaires de la ligue rivale ne vont pas tarder à se faire connaître du reste de la ligue majeure, même si la volonté de Bell était différente.
Pour le match d'ouverture de la saison il est commun de faire jouer le champion. En 1950, les Philadelphia Eagles, l'ancienne équipe de Bell (photo), ont le titre. Le commissaire a la rancune un peu tenace, et il se dit qu'il serait quand même bon, au passage, d'apprendre à ces Browns de l'AAFC comment les choses se passent en NFL. Le premier match de la saison oppose donc les Eagles aux Browns à Philadelphia. Le résultat sera sans appel : le jeu léché de Cleveland étouffe les champions NFL, et l'équipe de Paul Brown l'emporte 35-10.
Les Browns continuent leur domination jusqu'au titre alors que les 49ers ont plus de mal, et les Colts finissent par disparaître à la fin de la saison. Au début de la saison 1951, les New York Yanks ont également des difficultés, et la ville de Baltimore pense récupérer une franchise, mais la ligue refuse de renvoyer une équipe là-bas et choisit plutôt le projet de la ville de Dallas. Les Dallas Texans sont nés, mais une gestion désastreuse de l'équipe pousse la franchise à retourner à Baltimore et devenir les nouveaux Colts en 1952.
Pendant ce temps, les Browns retrouvent les Rams en finale 1951. L'équipe de Los Angeles, menée par belle paire de passeurs avec le feu follet Norm Van Brocklin et le sérieux Bob Waterfield, promet d'être une belle opposition : Van Brocklin a passé pour 554 yards lors du match d'ouverture face aux Eagles, le record de la ligue (qui tient toujours aujourd'hui !). Derrière eux, les Rams gagnent un nouveau titre. En 1952, les Browns arrivent encore en finale, mais cette fois ce sont les Lions de Detroit du Quarterback Bobby Lane qui les stoppent. En 1953, rebelote, nouvelle victoire de Detroit contre les Browns. Il faudra attendre les deux années suivantes pour voir Cleveland remporter deux titres (contre Detroit et Los Angeles de nouveau).
Comme vous pouvez le voir, le début de la décennie est l'apanage de Cleveland dans l'Eastern Division, et de Detroit et les Rams dans la Western Division. Cela va changer en 1956. Et les changements ne vont pas seulement être sur le terrain.
Lombardi & Landry aux Giants |
Mais le plus gros progrès n'est pas sur le terrain : depuis plusieurs années, certains joueurs de Cleveland se réunissent et nourrissent le projet d'une union (comprenez par là un syndicat) qui représenterait les joueurs. Il n'y a rien de tel à cette époque, et la ligue (ainsi que les propriétaires) ont tous les droits. C'était notamment devenu flagrant quand dans les années 1940 les joueurs étaient forcés de jouer des matchs d'exhibition sans salaire, ou quand la NFL et l'AAFC avaient édictés des règles sévères pour empêcher les joueurs de changer de ligue (ceux qui osaient déroger à la règle étaient bannis du football professionnel).
Une fois le projet présenté aux 12 équipes, 11 d'entre elles adhèrent et c'est ainsi que naît la National Football League Players Association, ou NFLPA. Beaucoup de joueurs signent des dérogations permettant à la NFLPA de les représenter, mais la NFL ne les considère pas comme tels tout de suite.
A la fin d'une saison 1958 qui voit les Bears battu de justesse par les Colts dans la Western Division, les Giants ont besoin d'un match supplémentaire pour se débarrasser des Browns dans l'Eastern Division. L'équipe de Howell l'emporte 10-0 grâce à une défense sévère qui musèle Jim Brown, et la finale NFL est donc décidée : les Colts de Baltimore contre les Giants de New York, au Yankee Stadium. Le match est retransmis par la fidèle chaîne de la ligue, NBC.
Ce match va rentrer dans la légende comme The Greatest Game Ever Played. A la fin d'un suspens insoutenable, Unitas va diriger un drive de 73 yards pour permettre à son botteur d'égaliser avant la fin du match. Devant une audience accrochée à son poste de télévision, la première mort subite de l'histoire de la NFL va se dérouler : la première équipe qui marque est championne. Après un punt des Giants, Unitas dirige un nouveau drive terminé par un touchdown d'Alan Ameche à la course (photo). Les Colts l'emportent 23-17, et la dimension épique du match fait définitivement gravir une nouvelle marche au football professionnel. L'année suivante, la revanche voit encore une fois la victoire des Colts 31-16.
Les années 1950 se terminent donc sur une toute nouvelle notoriété pour la ligue, et l'espoir d'avoir enfin gagné le respect qu'elle mérite. Et vous savez bien ce que ça signifie, n'est-ce pas ? Qui dit grande notoriété, dit aussi que certains voudraient bien y goûter. Il est donc temps de ressortir un vieux fantôme du placard, et cette fois de flanquer la frousse de leur vie à la grande ligue avec.
Le succès grandissant de la NFL donne des idées d'expansion à plusieurs promoteurs du pays, notamment le fils d'un millionnaire du pétrole à Dallas, Lamar Hunt (photo). Hunt veut faire revenir le football dans la grande ville texane, mais il se heurte au refus de Bell et d'Halas, qui siègent au comité d'expansion. En fait, toutes les propositions sont refusées par les deux qui pensent que la ligue doit encore se solidifier avant de penser à intégrer de nouvelles équipes.
Rembarré, Hunt essaie ensuite d'acheter les Chicago Cardinals, mais il essuie un nouveau refus. Enervé, il décide alors de monter sa propre ligue concurrente (ça ne vous rappelle rien ? Pyle et Grange en 1926). Le 14 Août 1959, il organise une réunion avec des représentants de Houston, Minneapolis, Denver, Los Angeles et New York, et rapidement ces messieurs se mettent d'accord sur l'AFL 4.0 (créatif n'est-ce pas ?). Boston et Buffalo rejoignent les rangs de la nouvelle AFL, et lorsque Minneapolis finit par être acceptée par la NFL pour devenir les Minnesota Vikings, la ville d'Oakland saute sur l'occasion pour joindre l'AFL.
En parlant de la NFL, le changement de commissaire n'est pas le seul changement que la ligue observe en 1960. Les Cardinals de Chicago, qui sont présents dans la ville depuis 1918, ont vu leurs revenus diminuer continuellement, et ils décident d'émigrer dans le Missouri, à Saint-Louis. Et surtout, deux anciens coordinateurs des Giants se retrouvent avec une équipe entre leurs mains : Tom Landry devient le coach des tous nouveaux Dallas Cowboys (qui contrebalancent l'arrivée des Vikings), et Vince Lombardi vole au secours d'une des plus anciennes franchises qui périclite depuis 30 ans : les Green Bay Packers.
Pendant ce temps, l'AFL démarre sa première saison avec 8 équipes : les Houston Oilers, les New York Titans, les Buffalo Bills, les Boston Patriots, les Los Angeles Chargers, les Dallas Texans, les Oakland Raiders et les Denver Broncos. La nouvelle ligue se démarque de suite par un jeu plus axée sur la passe et les trick plays. Elle introduit une nouveauté par la possibilité de transformer un touchdown à deux points. De par la période propice au football pro et la solidité financière des équipes (les Chargers par exemple sont créés par Barron Hilton, le patron des hôtels Hilton), l'AFL arrive à survivre.
1961 est une année de nouveautés : pour asseoir son histoire et rappeler qui est la ligue majeure, la NFL créé le Hall Of Fame à Canton, Ohio, le lieu de naissance de l'APFA en 1920. Ce Hall honore les meilleurs joueurs et administrateurs, et dans cette toute première classe de 1961 on retrouve des légendes comme Sammy Baugh, Bert Bell, Red Grange, George Halas, Curly Lambeau ou Don Hutson. Autre nouveauté, la saison passe de 12 à 14 matchs. Mais la NFL ne s'arrête pas là : Pete Rozelle, fort du succès télévisuel du Greatest Game Ever Played, sent qu'il y a là un grand partenariat à créer entre le football pro et la télévision. Il se rend également compte que les marchés sont de tailles différentes entre les franchises NFL, et il veut absolument maintenir un équilibre pour ne pas voir de petites équipes s'effondrer, ce qui pourrait faire la part belle à l'AFL.
Rozelle (photo) décide alors de changer de méthode : là où les franchises négociaient indépendamment les droits télévisés, il veut créer un package total; il veut que ce soit la ligue qui négocie les droits avec la télévision, pour pouvoir ensuite redistribuer l'argent de manière équitable entre les clubs. C'est un vrai bol d'oxygène pour une franchise comme les Packers qui a connu de nombreux problèmes financiers, devant appeler à la générosité des habitants de la ville (propriétaires du club) pour lever des fonds. C'est véritablement le début du mariage NFL-TV qui va générer un intérêt toujours croissant dans le football pro.
La franchise des Packers va d'ailleurs profiter de cette sécurité pour dominer la NFL les deux années suivantes, gagnant deux titres de champion à la barbe des Giants à chaque fois en 1961 et 1962. Pour cela, Lombardi a mis en place une tactique parfaite : le power sweep, une course de Hornung ou Taylor protégé par les Guards Jerry Kramer et Forrest Gregg. Cette course, tout le monde l'attend, mais personne ne peut l'arrêter.
La saison 1963 démarre avec un choc : Paul Brown est évincé de "ses" Browns par le propriétaire Art Modell pour, dirons-nous, "différence d'opinion". Pendant ce temps, les Bears remportent un nouveau titre, profitant d'une baisse de régime des Packers. En AFL, les Chargers ont déménagé à San Diego, les Dallas Texans sont devenus les Kansas City Chiefs et les New York Titans se sont renommés les Jets. Après deux titres des Oilers et un des (anciens) Texans, ce sont justement les Chargers, derrière leur jeu spectaculaire mené par le Quarterback John Hadl et le receveur Lance Alsworth, qui s'emparent du titre. En NFL, Jim Brown mène Cleveland à son premier titre sans son leader et créateur.
En ce milieu de décennie, les deux ligues proposent un produit différent et attractif, ce qui mène à un contrat TV avec CBS pour la NFL, et avec NBC pour l'AFL. Cela pérennise leur avenir... et leur guerre sans merci à coup de millions et de coups bas pour recruter les meilleurs joueurs universitaires. La guerre va d'ailleurs atteindre son apogée au début de l'année 1965.
Gale Sayers & Dick Butkus |
C'est alors que la guerre entre les deux ligues explose pour de bon.
La draft 1966 est le premier exemple de la bagarre : le talentueux LB Tommy Nobis est le centre des attentions des deux équipes avec le premier choix, les Oilers en AFL et les nouveaux Atlanta Falcons en NFL. Atlanta (et de ce fait la NFL) remporte la bataille à coups de gros sous. Le deuxième exemple se déroule le 17 Mai 1966 : le kicker des Bills, Pete Gogolak, le premier à taper de côté et non de face, est signé par les Giants. Non content de révolutionner le jeu de kicker dans le football pro, Gogolak représente l'apogée de la lutte féroce entre les deux ligues. Le nouveau commissaire de l'AFL, Al Davis (ancien propriétaire des Raiders), prend cette signature inter-ligue comme un véritable affront, et il demande aux franchises AFL de répondre en faisant de même. Les Oilers récupèrent alors le QB des 49ers, John Brodie, et les Oakland Raiders signent le QB des Rams, Roman Gabriel.
Al Davis (photo) et Pete Rozelle se rendent compte que la situation n'est plus tenable financièrement pour les deux ligues, et ils demandent à Schramm et Hunt de poser la question aux propriétaires.
Le 8 Juin 1966, la lucidité et la raison finissent par l'emporter, et une annonce est faite; les deux ligues sont tombées d'accord sur plusieurs points :
- Les 9 franchises d'AFL acceptent de payer 18M$ (sur 20 ans) pour joindre la NFL;
- Pete Rozelle sera le commissaire de la nouvelle ligue (Al Davis repartira à la tête de ses Raiders);
- Les deux ligues joueront une finale entre leurs deux champions;
- Les franchises ne déménageront pas;
- La prochaine draft en 1967 sera commune aux deux ligues;
- Deux nouvelles franchises intègreront le football pro en 1968, une dans chaque ligue (mais les frais iront à la NFL);
- Les matchs de présaison entre les ligues commenceront en 1967 et un calendrier commun commencera en 1970;
- Brodie et Gabriel restent avec leurs équipes NFL (mais Gogolak reste aux Giants lui :p).
Enfin, l'année 1966 apporte d'autres changements sur le terrain. Les poteaux, qui étaient alignés sur la ligne d'enbut, sont légèrement reculés pour essayer de diminuer les collisions avec les joueurs. Néanmoins la plus grande innovation est l'arrivée d'une toute nouvelle surface de jeu, l'astroturf. Les Astros de Houston (l'équipe de baseball) en tapissent leur stade couvert car c'est une solution moins coûteuse que l'herbe naturelle, et de ce fait les Oilers se retrouvent à jouer également sur cette surface. L'astroturf est en fait un tapis qu'on pose sur une base en ciment; si la rapidité de cette nouvelle surface impressionne, je vous laisse cependant juger de ce que donne un plaquage sur ce tapis qui n'amortit quasiment rien.
Enfin "presque" le Superbowl... |
La saison 1967, placée sur la future fusion, voit Jim Brown prendre sa retraite, et les Packers revenir sur le devant de la scène. En final NFL, Lombardi retrouve son ancien partenaire aux Giants en affrontant les Cowboys de Tom Landry. Les Packers sortent victorieux pour remporter leur 3e titre NFL de la décennie. En AFL, les Chiefs de Hunt, menés par le coach Hank Stram et le Quarterback Len Dawson, remportent l'AFL. La grande finale "NFL-AFL World Championship Game", sous-titré le "Superbowl" par la presse a lieu à Los Angeles au Memorial Coliseum. Les Packers surclassent les Chiefs 35-10, et la supériorité de la NFL est assise.
Mais c'est véritablement en 1968 que les Packers et leur coach rentrent dans la légende. Commençons d'abord par noter, comme il était prévu dans l'accord de 1966, l'arrivée de deux nouvelles franchises : les New Orleans Saints intègrent la NFL, et les Miami Dolphins intègrent l'AFL. L'arrivée des Saints provoque un chamboulement dans la ligue historique, qui décide alors de découper ses deux anciennes divisions encore en deux. On se retrouve alors avec 2 conférences, contenant chacune 2 divisions de 4 équipes :
- Eastern Conference
- Capitol Division : Dallas, Philadelphia, Washington, New Orleans;
- Century Division : Cleveland, New York Giants, Saint-Louis, Pittsburgh;
- Western Conference
- Coastal Division : Los Angeles, Baltimore, San Francisco, Atlanta;
- Central Division : Green Bay, Chicago, Detroit, Minnesota.
Revenons à nos moutons lombardiens. Les Packers dominent la saison et retrouvent leurs meilleurs ennemis, les Cowboys, en finale NFL. Ce match légendaire, surnommé l'Ice Bowl par ses conditions dantesques (-26°C, avec des rafales à -43°C !), est très serré, et les Packers l'emportent à la dernière seconde par un plongeon d'un yard de Bart Starr. L'image restera dans toutes les mémoires, et les Packers gagnent ainsi leur 3e titre de suite (un record) et vont à leur second Superbowl.
Pendant ce temps, l'AFL voit donc l'arriver des Miami Dolphins, coachés par Don Shula, celui qui avait redressé les Colts après le départ de Johnny Unitas. Ils ne peuvent cependant rien devant les Oakland Raiders champions de l'AFL, de vrais tueurs sur le terrain avec une défense de fer. Mais à leur tour les Raiders ne peuvent arrêter la légende Packers, qui remportent Superbowl II 33-14. Lombardi, porté en triomphe à la fin du match, décide de se retirer et de devenir GM l'année suivante. 5 titres en 7 ans, et 2 Superbowls pour Maître Vince.
En 1968, la NFLPA gagne enfin ses galons : elle est reconnue par la NFL comme représentante des joueurs, et les deux parties mettent en place un Collective Bargaining Agreement (CBA). Ce CBA contient des règles sur les salaires, un fonds de pension pour les retraités et des plans d'assurance. Mais comme entre tout patron et syndicat, les relations NFL-NFLPA sont un peu houleuses.
Sur le terrain, les Baltimore Colts vont profiter de l'âge avancé des Packers pour s'attribuer le titre NFL. Dans l'AFL, Paul Brown refait surface avec la franchise des Cincinnati Bengals, bien décidé à corriger Modell qui l'a jeté comme une vieille chaussette. Mais ce sont les clinquants Jets de "Broadway Joe" Namath qui remporte l'AFL cette année-là, et Joe lui-même va jusqu'à garantir la victoire de son équipe pourtant donnée perdante de 18 points.
Superbowl III est un renversement complet de la hiérarchie, avec une victoire surprise 16-7 des Jets qui prouvent enfin que l'AFL peut rivaliser avec la NFL. L'année suivante, en 1969, les Chiefs de Kansas City retournent à la grande finale et affrontent les Vikings du Minnesota, champion NFL derrière les Purple People Eaters, la terrible ligne défensive de Minnesota menée par Carl Eller, Jim Marshall et Alan Page. Superbowl IV voit la victoire des Chiefs 23-7, et alors que la fusion est toute proche, les deux ligues sont à égalité au niveau des titres : 2-2.
Comme un symbole, les années 1960, faits d'une lutte acharnée et sans merci entre deux entités tirant pourtant dans le même sens, s'achèvent par leur fusion sans que plus personne ne trouve à y redire. Les années 1970 s'ouvrent donc sur une nouvelle ère pour le football professionnel : une ère d'unité, et de notoriété toujours grandissante.
En 1970, la fusion des deux ligues est effective, et afin de garder les alignements, la NFL se divise en deux conférences : la National Football Conference (NFC) et l'American Football Conference (AFC). Toutes les équipes d'AFL se retrouvent en AFC, et pour équilibrer les deux conférences quelques équipes de la NFL viennent la garnir. Chaque conférence est re-divisée en 3 divisions, East, Central et West. Cela nous donne ce nouvel alignement :
- NFC
- East Division : Philadelphia, Washington, Dallas, New York Giants, Saint-Louis
- Central Division : Chicago, Green Bay, Detroit, Minnesota
- West Division : Los Angeles, San Francisco, New Orleans, Atlanta
- AFC
- East Division : Boston (futur New England), New York Jets, Baltimore, Buffalo, Miami
- Central Division : Pittsburgh, Cleveland, Cincinnati, Houston
- West Division : Denver, Oakland, Kansas City, San Diego
La saison 1970, toute première de la nouvelle NFL, permet également au téléspectateur lambda de découvrir un programme qui va devenir culte : le Monday Night Football d'ABC, un match décalé le lundi soir qui se joue devant le pays entier. Cela va vite devenir un grand rendez-vous de la semaine de football. Quand ABC quittera la diffusion de la NFL en 2006, ESPN reprendra la tradition.
Dernière innovation mais non des moindres : la NFL importe la mode de l'AFL d'inscrire le nom des joueurs sur les maillots. Maintenant, tout le monde peut reconnaître aisément quel joueur a réussi une action.
Enfin, la saison est endeuillée par la mort de Vince Lombardi, le 3 Septembre. Son décès choque le monde de la NFL à tel point qu'il est décidé que le trophée du Superbowl, qu'il a été le seul jusque-là à gagner deux fois, portera dorénavant son nom. On donne également des trophées aux champions de conférence, qui seront nommés en 1984 : le George Halas Trophy pour le vainqueur de la NFC, et le Lamar Hunt Trophy pour le vainqueur de l'AFC.
Les années 1970 vont être dominées dans chacune des divisions par une équipe.
- En NFC East, les Cowboys de Tom Landry arrivent à 4 Superbowls et en remportent 2;
- En NFC West, les Rams atteignent 1 Superbowl qu'ils perdent;
- En NFC Central, les Vikings de Bud Grant atteignent 3 Superbowl mais les perdent tous les trois;
- En AFC East, les Dolphins de Don Shula atteignent 3 Superbowls et en remportent 2, dont l'incroyable saison parfaite en 1972 avec 16 victoires et aucune défaite. C'est un tour de force qui reste la seule occurrence dans l'histoire de la ligue;
- En AFC West, les Raiders remportent 2 Superbowls;
- Et enfin en AFC Central, les Steelers de Chuck Noll sont l'équipe de la décennie avec 4 Superbowls joués pour autant de succès.
La première mesure pour contrer ce phénomène arrive en 1974, quand la ligue se rend compte que les matchs nuls se multiplient. En effet, la règle de la prolongation avec mort subite, comme lors du Greatest Game Ever Played en 1958, n'était valable que pendant les playoffs. La ligue décide d'étendre la règle à tous les matchs en espérant réduire les matchs nuls.
Oui forcément, les poteaux à cet endroit ça peut gêner... |
En 1977, deux nouvelles règles sont implémentées : le head slap, un coup porté à la tête de l'adversaire perfectionné par Deacon Jones, est interdit, et les défenseurs ne peuvent toucher un receveur qu'une seule fois. Avant cela, on voyait les défenseurs prendre les receveurs et leur enterrer la tête dans le terrain (demandez aux adversaires des Raiders).
Ces deux modifications font bondir les défenses, et surtout celles des Steelers et des Raiders : la ligue autorise en quelque sorte le holding offensif (jusqu'à un certain point), et surtout elle retire le maximum de contact entre un défenseur et un receveur. Ce sont ces deux règles qui vont avoir le plus d'impact, ouvrant littéralement le jeu de passe; d'ailleurs la NFL "signe son crime" en ajoutant un 7e arbitre, le Side Judge, qui officie dans la profondeur de la défense.
Celui qui va probablement profiter le plus de ces règles est le coach Don Coryell qui met en place Air Coryell, une attaque aérienne dévastatrice menée par le Quarterback Dan Fouts. Mais de manière assez ironique, les Steelers, qui ont eu l'impression que ces règles existaient pour affaiblir l'efficacité de leur défense, vont gagner 2 de leur 4 titres en 1978 et 1979, soit APRES les changements. Il faut dire qu'avec un Quarterback comme Terry Bradshaw, un duo de receveurs comme Lynn Swann et John Stallworth et un duo de coureurs comme Franco Harris et Rocky Bleier, Pittsburgh sait aussi attaquer au sol et en l'air.
Les années 1970 se referment alors sur une ligue qui désormais compte 26 équipes : en effet, les Seattle Seahawks (dans la NFC West) et les Tampa Bay Buccaneers (dans l'AFC West) ont rejoint la ligue en 1976. La NFL est solide sur ses jambes et elle a à peine tremblé de la très courte World Football League qui n'a existé qu'un an et demi entre 1974 et 1975 (même si certains joueurs NFL sont partis dans cette dernière). Par le biais de matchs excitants retransmis à la télévision, le football professionnel tient enfin la première place au niveau des sports américains, et il compte bien la garder. Et qui sait... pourquoi pas s'exporter ?
Jerry Rice & Joe Montana |
La décennie marque aussi la révolte des sans-grades des années 1970. Dallas s'efface petit à petit pour laisser sa place aux Redskins de Joe Gibbs et aux Giants de Bill Parcells menés par le phénomène Lawrence Taylor; des 49ers étincelants éclipsent les Rams; les Bears deviennent l'équipe à battre en NFC Central avec leur défense dévastatrice; Miami est la seule équipe à encore rester en tête de sa division; les Steelers déclinent peu à peu laissant les Browns de Marty Schottenheimer prendre les commandes, et enfin les Broncos de Dan Reeves viennent remplacer les Raiders (partis à Los Angeles en 1981) dans le courant des dix ans.
C'est d'ailleurs la décennie des grands coachs, car entre Walsh, Parcells, Gibbs, Schottenheimer ou Reeves, il y a là ce qui se fait de mieux en la matière alors que des légendes comme Landry perdent peu à peu pied dans la réalité du football moderne. Mais on va vite parler d'autre chose que des coachs, on va parler des joueurs, et pas de leur performance sur le terrain.
Pour ajouter un peu à l'ambiance étrange, 1983 marque l'arrivée d'une nouvelle ligue concurrente à la NFL... quoique pas totalement concurrente sur la forme : un entrepreneur de New Orleans, David Dixon, pense qu'une saison de football qui va de Septembre à Janvier est trop réductrice. Il y a de la place pour le sport au niveau du printemps, de Mars à Juillet, afin de combler l'attente de fans. Cette idée est plutôt bonne, et l'United States Football League (USFL) naît avec 12 équipes.
Au niveau de la NFL, 1983 est d'abord une année endeuillée par la mort de "Papa Bear" George Halas le 31 Octobre, l'un des plus grands hommes du football pro. C'est une année du renouveau pour certaines équipes, car la draft amène énormément de qualité : les Colts choisissent le Quarterback John Elway, les Rams choisissent le coureur Eric Dickerson, les Oilers choisissent le joueur de ligne offensive Bruce Matthews, les Bills choisissent le Quarterback Jim Kelly, les Dolphins choisissent le Quarterback Dan Marino et les Redskins choisissent l'arrière défensif Darrell Green. Tous ces joueurs finiront au Hall Of Fame, et certains, comme Marino, Elway et Kelly, vont changer le futur de leur franchise.
Enfin... Elway ne va pas changer le futur des Colts, car il engage immédiatement un bras de fer, déclarant qu'il ne veut pas jouer à Baltimore. Il finit par avoir gain de cause et part à Denver, l'équipe qu'il voulait rejoindre. Et Jim Kelly ne change pas non plus le futur des Bills tout de suite, vu qu'il signe avec les Houston Gamblers de l'USFL. Il n'est pas le seul : des futurs Hall Of Famers comme Reggie White, Steve Young ou de très bons joueurs comme Herschel Walker commencent leur carrière par l'USFL.
Quoiqu'il en soit, la saison NFL 1983 voit les Raiders faire encore de la résistance et détrôner les Redskins au Superbowl XVIII grâce à leur défense et leur coureur Marcus Allen. Dan Marino, de son côté, prend l'équipe des Dolphins sur ses épaules et la guide jusqu'au Superbowl en 1984 mais Montana lui barre la route pour le second titre des 49ers.
Cependant l'information la plus frappante de cette année, c'est la fin d'une longue bisbille entre le propriétaire des Colts Jim Irsay et la ville de Baltimore à propos du stade... par le déménagement pur et simple de la franchise dans la nuit ! Les Colts se retrouvent à Indianapolis, et malgré les procès de Baltimore, la NFL finit par entériner la décision.
En 1985 les Bears capitalisent enfin sur la domination absolue de leur défense 46 avec les armes offensives tels que Walter Payton pour remporter le titre, avant que la NFC East se rappelle au souvenir de la ligue en 1986 : les Giants menés par un LT inarrêtable gagne le titre contre des Broncos qui trouve en Elway leur sauveur.
Pendant ce temps, l'USFL n'a duré que 3 ans. Les franchises ont dépensé sans compter pour s'approprier les stars universitaires (et de la NFL), et les managers ont fini par avoir les yeux plus gros que le ventre : mené par Donald Trump (oui LE Donald Trump), proprio des New Jersey Generals, ils ont pensé que s'ils déplaçaient le calendrier de l'USFL en parallèle de celui de la NFL, cette dernière ferait comme avec l'AAFC ou l'AFL 4.0 et fusionnerait les deux ligues. TRES mauvais calcul, car les franchises USFL déjà fragiles financièrement et partageant une ville avec un club NFL ont refusé de rentrer dans cette guerre. Mais c'était justement ce que Trump voulait : éliminer les plus faibles et avoir sa franchise en NFL.
Cupide jusqu'au bout, Trump finit par tuer l'USFL quand il lance un procès à la NFL en 1986 pour monopole, notamment sur les des droits TV. L'USFL gagne ce procès de facto sur le plan du monopole, mais le jury réfute le fait que la NFL ait particulièrement blackboulé l'USFL auprès des chaînes TV; pire, ils jugent que la situation financière de la jeune ligue est surtout un produit de ses décisions aberrantes plus que la faute de la NFL. Donc même si l'USFL gagne le procès, elle ne reçoit qu'un dollar symbolique pour tout ça. Les caisses sont alors totalement vides et la ligue suspend sa saison 1986. Les stars signent dans les clubs NFL, et l'USFL disparaît définitivement.
1987 marque la deuxième grande grève des joueurs, car le CBA mis en place en 1982 est arrivé à expiration et les joueurs se plaignent des restrictions les empêchant de changer d'équipe. Cependant, la ligue contourne le problème en demandant à des remplaçants de prendre la place des titulaires grévistes, et on assiste alors à trois semaines de matchs entre principalement des chauffeurs de banc. Les joueurs sont mis devant le fait accompli : la ligue ne cède pas et les chaînes de télé refusent de diffuser des matchs avec des remplaçants, ce qui pousse la NFLPA à demander aux joueurs de retourner sur les terrains sans un nouveau CBA. Ce mouvement provoque la décertification de la NFLPA qui n'est plus un syndicat mais une association, ce qui signifie qu'elle ne peut plus négocier au nom des joueurs avec la NFL. Tout ce mic-mac déclenche quelques procès individuels contre la ligue dont celui de Reggie White, devenu le linemen défensif des Eagles de Philadelphia après son excursion en USFL.
Sur le terrain, les Cardinals déménagent de Saint-Louis à Phoenix dans l'Arizona, et les Redskins l'emportent sur les Broncos qui ont atteint leur 2e Superbowl de suite en éliminant les Browns à chaque fois sur des matchs haletants. 1988 et 1989 voient la domination des 49ers reprendre de plus belle avec deux victoires, la première sur les Bengals et la seconde une tôle 55-10 sur les pauvres Broncos en 1989. Avec 3 défaites, Denver et Elway ne savent pas encore qu'ils ont laissé passer leur chance et qu'il faudra attendre quelques années avant qu'ils ne retournent sur la plus grande scène du football pro.
Cette dernière année de la décennie voit la ligue saluer le départ de deux grands hommes du sport. Le commissaire lui-même, Pete Rozelle, véritable visionnaire qui a amené le sport à cette place de numéro un, prend sa retraite après 29 ans de service. Il est remplacé par l'avocat Paul Tagliabue (photo) qui a défendu la NFL dans cette décennie de procès divers. Et comme un clin d'oeil à l'histoire, Rozelle était devenu commissaire en 1960, alors que la même année Tom Landry, maître de la défense et inventeur de la défense 4-3, devenait coach des Cowboys. L'homme au fedora quitte lui aussi ses fonctions d'entraîneur, définitivement dépassé par le jeu moderne.
Mais alors que les équipements NFL entrent dans une nouvelle ère avec le plastique de seconde génération pour les pads et les casques, les Cowboys aussi entrent dans une nouvelle ère au début des années 1990.
Irvin, Smith & Aikman |
En 1993 justement, un nouveau bouleversement intervient dans la ligue. Comme je vous l'ai dit, depuis 1986 la NFLPA n'est plus un syndicat mais une association, laissant donc les joueur poursuivre eux-mêmes la NFL. Le CBA n'existe plus depuis cette époque, et c'est à ce moment que les discussions reprennent sérieusement sur un sujet particulier, la free agency, c'est-à-dire la capacité pour des joueurs de pouvoir changer d'équipe plus facilement.
Reggie White est en quelque sorte le porte-drapeau de cette cause, car c'est son procès contre la NFL qui a fait le plus de bruit à l'époque. Le 6 Janvier 1993, les discussions semblent enfin arriver à une entente entre la ligue (avec à sa tête Paul Tagliabue) et les joueurs (avec à leur tête Gene Upshaw, l'ancien Guard des Raiders) : un nouveau CBA va être signé, ouvrant la free agency à tous les joueurs avec plus de 5 ans de carrière dans la NFL. Ce nouveau CBA crée plusieurs termes qui sont devenus familiers de nos jours : franchise tag, transition tag et surtout le salary cap, cette somme totale que les équipes ne peuvent pas dépasser en salaires sur une année.
Pour ne pas faillir à son rôle, White est le premier à profiter de la nouvelle free agency en signant pour une franchise des Packers qui compte bien redevenir une force après des années de disette. "Le Ministre de la Défense" comme on le surnomme mène une liste de 120 joueurs qui changent d'équipe entre le 1er Mars et le 15 Juillet de la même année. La ligue rentre dans une nouvelle ère : une ère de contrats, de calculs financiers complexes, et d'une certaine équité dans le fait que les joueurs ne sont plus attachés à une seule équipe toute leur carrière.
Quoique... quand on y regarde bien au départ, on ne peut pas dire que les champions soient de nouvelles équipes. Les Cowboys rajoutent un deuxième titre contre les Bills en 1993, le fantasque Steve Young qui a remplacé la légende Montana mène son équipe des 49ers à leur 5e titre contre des surprenants Chargers de San Diego en 1994, et les Cowboys en remettent une couche pour devenir la dynastie de la décennie en 1995 en battant des Steelers qui ont renoué avec leurs traditions.
L'année 1995, justement, apporte son lot d'annonces : tout d'abord, la ligue présente la renaissance d'un projet. En effet, cela faisait quelques années que la NFL cherchait à s'exporter et elle avait fini par créer en 1991 la World League of American Football (WLAF), une sorte de ligue de printemps pour futurs talents. Cette ligue était composée d'équipes américaines, mexicaines et européennes, et le modèle de championnat intercontinental n'avait pas tenu bien longtemps, provoquant l'arrêt de la WLAF. C'est en 1995 que la ligue décide de la relancer en faisant une ligue exclusivement européenne avec des équipes en Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Espagne. C'est la naissance de la NFL Europe, une ligue par laquelle certains joueurs NFL vont passer et qui va vivre jusqu'en 2007.
La seconde annonce de 1995 est un coup de tonnerre : encore pour une histoire de vétusté de stade, Art Modell annonce le déménagement des Browns de Cleveland à Baltimore pour remplacer les Colts partis ! C'est un tollé gigantesque pour tous les fans et les anciens joueurs, et la NFL finit par promettre que les Browns récupèreront une nouvelle franchise un peu plus tard et garderont leur histoire à Cleveland. C'est d'ailleurs l'année du déménagement : les Houston Oilers partent à Tennessee, les Raiders reviennent à Oakland et les Rams vont à Saint-Louis. Donc si vous avez tout bien suivi... il n'y a plus de franchises NFL à Los Angeles.
La troisième annonce est une retraite : Don Shula (photo) se retire des terrains avec un record inhumain, 347 victoires en tant que coach.
La dernière annonce consiste en l'arrivée de deux nouvelles franchises pour porter le total à 30 équipes NFL (si l'on compte la disparition des Browns). La saison 1996 voit donc les Ravens de Baltimore remplacer les Browns de Cleveland dans l'AFC Central, et les deux nouvelles franchises arrivent : les Carolina Panthers (en NFC West) et les Jacksonville Jaguars (en AFC Central). Ces deux équipes vont connaître un rapide succès car ils ont accès à un pool de joueurs talentueux entre les draftés et les vétérans. Elles vont même jusqu'à atteindre toutes les deux la finale de leur conférence respective en 1996 !
Brettt Favre & John Elway |
C'est ensuite autour de John Elway de gagner ce titre qui lui a longtemps échappé dans les années 1980 quand les Broncos l'emportent en 1997 (contre les Packers) et 1998 (contre d'étonnants Falcons). Enfin, pour terminer la décennie, les Rams de Saint-Louis viennent de nulle part derrière leur QB ancien emballeur en magasin, Kurt Warner, pour remporter le titre avec l'attaque la plus explosive jamais vue surnommée The Greatest Show On Turf.
C'est d'ailleurs en 1999 que deux vieilles connaissances refont surface : la première, c'est comme annoncé la renaissance des Browns de Cleveland qui réintègrent l'AFC Central; la division devient la seule à 6 équipes avec Tennessee (devenus les Titans), Pittsburgh, Baltimore, Jacksonville et Cincinnati. La seconde vieille connaissance revient à la suite de 2 gigantesques erreurs de jugement pendant la saison 1998. Ces deux erreurs ont eu de terribles implications : un TD fantôme offert aux Jets à la dernière minute contre les Seahawks élimine ces derniers de la course aux playoffs, alors que dans un match de playoff, Jerry Rice fait un fumble récupéré par les Packers qui n'est pas signalé sur le drive de la victoire de San Francisco.
La ligue décide donc de réinstaurer l'instant replay, mais en encadrant ses effets pour ne pas rééditer les erreurs de 1986. Seules certaines actions peuvent être revues à la vidéo, et cette fois ce ne sont pas les arbitres mais les coachs qui peuvent le demander en jetant un petit mouchoir rouge sur le terrain. Chaque coach a alors droit à 2 challenges par match. Le système est toujours en place, avec un 3e challenge ajouté si le coach a eu raison sur les deux premiers.
Les années 1990 se terminent donc sur une ligue avec 31 équipes, toute proche de sa formule finale et toujours au sommet du sport américain. Il faudra attendre 2002 pour voir la toute dernière équipe, les Houston Texans, intégrer la NFL. Avec 32 équipes, la ligue réorganise ses divisions en créant 8 divisions de 4 équipes chacune :
- AFC East : New England, New York Jets, Buffalo, Miami;
- AFC North : Baltimore, Pittsburgh, Cincinnati, Cleveland;
- AFC South : Indianapolis, Jacksonville, Tennessee, Houston;
- AFC West : Denver, Oakland, Kansas City, San Diego;
- NFC East : Dallas, New York Giants, Washington, Philadelphie;
- NFC North : Green Bay, Chicago, Detroit, Minnesota;
- NFC South : New Orleans, Atlanta, Carolina, Tampa Bay;
- NFC West : San Francisco, Saint-Louis, Arizona (ancien Phoenix), Seattle.
Allez, enfin, OUSTE ! |
Sur le terrain ensuite, la décennie démarre sur l'avènement de la dynastie des Patriots de New England mené par le coach Bill Belichick et le Quarterback Tom Brady qui remportent 3 titres en 4 ans (2001, 2003 et 2004) et qui réussissent presque la saison parfaite en 2007 mais qui perdent le Superbowl. On verra également d'anciennes grandes équipes renouer avec la victoire :
- Les Steelers du Quarterback Ben Roethlisberger en profitent pour ajouter 2 Superbowls (2005 et 2008) à leur palmarès, le plus fourni en matière de trophées Lombardi (6);
- Pas en reste, les Packers du Quarterback Aaron Rodgers reprennent en 2010 le titre de "Titletown" avec leur 4e Superbowl et leur 13e titre NFL;
- Les Colts du phénomène Quarterback Payton Manning arrivent au sommet de la NFL en 2006;
- Les Giants du Quarterback Eli Manning, petit frère de Peyton, rajoutent également deux trophées en 2007 et 2011.
Paul Tagliabue se retire pendant l'été 2006 et il est remplacé par un de ses assistants, Roger Goodell (photo). La plus grosse bataille de Goodell se déroule pendant l'intersaison 2011 et la fin du CBA l'année d'avant, ayant entraîné une année sans salary cap. Le NFLPA se décertifie à nouveau mais un consensus finit par être trouvé avant le début de la saison 2011-2012.
Cette saison sera d'ailleurs marquée par la disparition d'Al Davis, visionnaire, sacrée tête de mule et représentant de l'esprit Raiders "Just win baby". Et dans la droite lignée des règles de 1978, Goodell continue de privilégier le jeu de passe et la sécurité des joueurs en protégeant les Quarterback et les Receveurs.
Mais quoiqu'il en soit, même si les règles, les noms et les villes changent, le football professionnel reste le sport numéro 1 aux USA, un fait qui était tellement inatteignable à ses débuts qu'on ne peut que tirer un coup de chapeau à tous les pionniers de ce sport qui nous passionne tant.